Elle garde en mémoire, ses compagnons de naufrage, de misère et de douleurs que pour mieux les rejoindre, le temps d’une seconde furtive, sans prise dans son nouveau réel peuplé à présent de musicalité harmonieuse retrouvée.
Elle voudrait les imprégner de son nouveau temps prometteur et rallumer leurs regards vides et exsangues, privés malgré eux de ce qu’ils gardaient d’humanité comme une petite pierre secrète, témoin de construction fragile et éphémère.
Elle voudrait leur témoigner une dernière fois, par une pensée lointaine mais émue des refrains de vie qu’ils n’entendront peut-être pas et leur offrir en partage cet apaisement qu’elle ressent désormais.
C’est ce qu’elle ose espérer, elle qui est partie un peu comme une voleuse. Peur d’affronter leur ultime demande de main tendue, de fou rire qu’elle leur offrait avec toute sa dérision confuse mais combien vraie.
Des prénoms qu’elle ne voulait retenir dans ce décor anesthésié comme pour mieux fuir des liens qui auraient pu se tisser. Des évidences refusées que sa conteuse lui rappelle avec patience et bienveillance et souvent dans un éclat de rire.
Peur de cette douleur perçue dans un miroir sans tain ou dans des glaces qui renvoient le vide à l’infini.
Enfermement et distance conjugués qui effraient l’extérieur comme autant de refus de sa propre douleur pour des naufrages évocateurs ô combien refusés.