Il y a tant de choses à dire qu’elle ne peut exprimer… La robe et l’échelle de Cabrel se fredonne à la manière des mots qu’elle garde accrochés et qui se gravent furtivement dans son regard.
Regard pour des images qu’elle ne peut graver dans le marbre. Tant de mots étouffés pour des manières de rester muette, autant de détournements pour ne pas se perdre.
Prendre les mots d’un autre pour dresser un décor qui lui inspire des sensations qu’elle garde comme un secret au fond de sa petite valise emportée dans des voyages du passé empreinte de ses histoires de rencontres, de mains tendues. Autant de regards et de mots chuchotés aux femmes qui frissonnaient à les entendre et qui ont cessé d’exister, abandon éphémère, le temps d’une écriture interrompue qu’elle fera revivre au gré de ses inspirations.
Mains nues et vide à combler pour des constructions à venir. Elle laissera sa petite valise un temps au garde meuble, garde à vie entre des mains anonymes. Son passé donné dans l’absence d’un toit de fortune pour un temps qui lui a été volé malgré elle, un temps de lâcher prise, sans ses livres mis dans des cartons comme pour emprisonner ses amis de voyage qui l’ont accompagnés dans ses solitudes et qui ont témoigné ses épisodes de vie.
Une page tournée et déchirée avant qu’elle jaunisse. Une ultime destruction avant son départ, mépris pour un rappel à la langue, « Telle mère telle fille » assénée comme ses coups d’autrefois, étranglements, étouffements et portés comme d’ultimes vengeances sur celle qui lui a donné vie.
Deux prénoms gravés sur du cuivre déposés comme des rappels morbides, qui provoqueront le tremblement de ses mains sur un clavier témoin comme ce matin où elle avait programmé le franchissement d’un dernier barreau de l’échelle malgré la promesse de celle qui veillait et lui promettait d’en construire à l’infini. Un infini qui a son réel dans l’amour qu’elle lui porte et qui ne s’écrit pas que pour mieux se vivre. Sans jeu et sans stratégie.
Partir et déplacer l’échelle sur d’autres arbres dans des décors de douceurs pour un autre temps sans regret, où les mots se partagent comme des fruits gorgés de soleil.